Article sur les "Banquiers" Romains
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Article sur les "Banquiers" Romains
Le buste du banquier romain Lucius Jucundus, retrouvé dans les vestiges de sa maison de Pompéi.
Les activités bancaires sont apparues bien avant le capitalisme, et même avant les temps féodaux (le terme de banque désignant alors, en Italie, la table des changeurs). On rencontre en effet des "banquiers" au sein du monde romain, à l'époque républicaine (du Ve au Ier siècle avant Jésus-Christ), comme durant l'empire (de la fin du Ier siècle av. J-C jusqu'au Ve siècle pour sa partie occidentale).
L'économie romaine était certes essentiellement agricole et reposait sur de grands domaines exploités par des esclaves, source de la richesse des patriciens qui dominaient la vie politique. Mais cette économie était aussi marchande. Les surplus agricoles devaient être vendus sur des marchés urbains, et les conquêtes avaient fait de Rome le centre économique d'un grand ensemble allant au-delà du pourtour méditerranéen. Les différentes régions y entretenaient entre elles d'intenses relations commerciales.
C'est ainsi que Rome et les cités italiennes exportaient des produits agricoles et artisanaux et importaient, en quantité croissante au fil des siècles, des produits de toutes natures depuis l'Afrique du Nord, l'Egypte, devenue (après son annexion, en 31 av. J-C) le grenier à grain des Romains, la Grèce, la Germanie rhénane, les Gaules et même l'Asie...
Il fallait en particulier nourrir l'abondante population des cités italiennes – de Rome en premier lieu – qui abritaient de nombreux plébéiens pauvres entretenus par l'Etat. Celui-ci assurait ainsi la paix sociale en distribuant de la nourriture et en divertissant ce peuple de Rome qui réclamait "du pain et des jeux".*
UN GROUPE DE PROFESSIONNELS TRÈS HÉTÉROGÈNE
Rome s'était dotée d'une ville portuaire proche, Ostie, et le port de Pouzzoles, près de Naples et de Pompéi, jouait un rôle central dans le commerce avec les provinces orientales de l'empire. Ces importations étaient permises par le prélèvement fiscal imposé par l'administration impériale sur les contrées soumises à l'autorité romaine.
Mais, pour assurer le bon fonctionnement de cette économie et pour financer les opérations lointaines, il fallait disposer d'un "système bancaire" facilitant les transactions. Il se composait d'un groupe de professionnels très hétérogène ayant le droit de recevoir des dépôts, d'effectuer des paiements et des virements au profit de leurs clients.
Ces "banquiers" ne faisaient pas partie des plus riches Romains : les sénateurs (propriétaires fonciers) et l'ordre équestre (chevaliers devant posséder au moins 400 000 sesterces). Au contraire, nombre d'entre eux étaient d'anciens esclaves affranchis. Après une période d'apprentissage, ils tenaient un comptoir ou une boutique, ouverts à horaires fixes, et effectuaient des opérations variées.
L'argentarius recevait des dépôts et pratiquait le change après avoir évalué la valeur intrinsèque des monnaies, c'est-à-dire la teneur en métal précieux qu'elles contenaient. Il participait également aux ventes aux enchères, et pouvait faire crédit aux acheteurs.
Le nummularius, qui apparaît sous le règne d'Auguste (au début du Ier siècle), fut d'abord spécialisé dans le change, avant de recevoir des dépôts, au même titre que l'argentarius.
Le coactor était un encaisseur des sommes dues à ses clients, sur lesquelles il touchait un pourcentage ; le coactor argentarius jouait à la fois le rôle d'encaisseur de fonds et de changeur.
L'essentiel de leurs rémunérations provenait des commissions rétribuant ces différentes opérations. Mais ces "banquiers" accordaient aussi des prêts avec intérêts, généralement de court terme (pour quelques mois ou un an au maximum).
TOUT CITOYEN ROMAIN DEVAIT TENIR UNE COMPTABILITÉ
Les taux d'intérêt pratiqués étaient extrêmement variables. Le Sénat avait établi, en 51 av. J-C, un taux maximal de 12 %, qui restera longtemps en vigueur, mais qui était rarement atteint. Il semble que les taux les plus courants étaient de 4 % à 6 % en Italie, de 8 % à 9 % en Grèce, mais étaient plus élevés en Egypte, ces taux variant selon la conjoncture. Ces banquiers professionnels se distinguaient des prêteurs occasionnels, constitués par de riches patriciens ou des notables fortunés.
Toutes les opérations devaient être enregistrées soit dans un livre (dont chaque page correspondait à un client particulier), soit sous forme simplement chronologique (ce qui rendait alors plus difficile une comptabilité individuelle). Ces comptes étaient appelés "ratios" (son étymologie latine désignant le fait de calculer et de raisonner).
Tout citoyen romain devait tenir une comptabilité précise de l'ensemble de ses recettes et de ses dépenses, et noter le nom de ses créanciers et débiteurs. Cela permettait à l'administration d'établir le montant de l'impôt dû par les éventuels contribuables, et servait de preuve en cas de litige commercial.
Pour les professionnels, ces données étaient regroupées dans des tablettes de bois recouvertes de cire et articulées en plusieurs volets. Elles seront strictement réglementées par un sénatus-consulte promulgué en 61, sous le règne de Néron.
LA GRANDEUR ET L'ORNEMENT DE SA MAISON RÉVÈLENT L'IMPORTANCE DU PERSONNAGE
En 1875, 153 tablettes ont été retrouvées dans les ruines d'une magnifique maison de Pompéi, qui nous renseignent sur l'activité de leur propriétaire, un banquier du Ier siècle de notre ère nommé Lucius Coecilius Jucundus (d'autres tablettes ayant été découvertes à Murecine, banlieue de Pompéi, en 1959, ainsi qu'à Herculanum). Dans cette demeure se trouvait également du matériel ayant servi à confectionner ces tablettes, mesurant chacune entre 10 et 15 cm de large.
Lucius Jucundus serait né à la fin du règne d'Auguste, en 14, ou au début de celui de Tibère, qui lui succéda, et serait le fils d'un affranchi, devenu lui-même banquier. Il serait mort soit lors de l'éruption du Vésuve qui détruisit Pompéi en 79, soit en 62 (car la datation des tablettes s'arrête cette année-là, qui fut celle d'un tremblement de terre touchant la ville). La grandeur et l'ornement de sa maison révèlent l'importance du personnage, jouant le rôle d'argentarius.
Comme beaucoup de riches demeures de Pompéi, elle possédait de nombreuses pièces peintes, un atrium (pièce centrale avec fontaine et bassin), un tablinum (où l'on reçoit les clients, servant également de salle d'archives), un triclinium (salle à manger), un sanctuaire et un jardin. Les clients de Jucundus étaient de conditions sociales très variées, comme l'attestent les inscriptions portées sur les tablettes. Il s'agissait de petites gens et d'affranchis, mais aussi de membres de la haute société de la ville.
Une des tablettes nous informe de la vente d'un mulet, pour la somme de 520 sesterces, effectuée par un dénommé Marcus Nico, un affranchi, au profit d'un autre affranchi, Marcus Eupratès. Une autre évoque l'achat d'un pâturage, pour 2 675 sesterces, cédé par Modestus et Vibium Secondus. Une autre encore correspond à une vente aux enchères, pour laquelle Jucundus avança 38 079 sesterces à Marcus Lerus, moyennant une commission égale à 2 % de la somme...
Sur chacune de ces tablettes figure le nom des témoins de l'opération. Lucius Jucundus effectuait aussi des opérations avec la ville de Pompéi, participait à la revente d'esclaves (comme ceux achetés aux enchères par le centurion Publius Alfenus) et effectuait des voyages d'affaires, comme en témoigne sa présence à Nuceria, en Ombrie. Il était aussi percepteur d'impôts coloniaux, versés par les territoires soumis à l'autorité de Rome, en tout cas pour la colonie constituée par la région pompéienne.
Une image de ce banquier existe encore. Un buste en marbre le représentant a été retrouvé dans sa maison et est conservé, aujourd'hui, au Musée de Naples.
Pierre Bezbakh (maître de conférences à l'université Paris-Dauphine)
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/08/11/lucius-jucundus-fils-d-affranchi-devenu-banquier_3460101_3234.html
Dardanvs- Solidus
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Re: Article sur les "Banquiers" Romains
Pas de quoi chef , cet article a été partager sur un autre fofo , il va de soit que je le partage ici
Dardanvs- Solidus
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